Antoine BELPOIS (belpois@aist.enst.fr)
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NTRODUCTION
AU
AEKWONDO
Introduction
I] Histoire du Taekwondo
1/ De la nuit des temps à 1933 : les premiers arts martiaux
2/ De 1933 à 1955 : naissance d’un nouvel art
3/ De 1955 à Sydney 2000 : l’essor du Taekwondo
II] Fondements philosophiques et scientifiques
1/ Une philosophie généreuse
a/ Pour un monde meilleur
b/ Principes individuels
2/ Plus de rigueur pour plus d’efficacité
a/ Les qualités de l’art martial
b/ L’efficacité du sport de combat : fondements scientifiques
III] Le Taekwondo en pratique
1/ Les différentes fédérations : un sport hétérogène
2/ Les spécificités de l’art martial
a/ L’uniforme
b/ Les combats imaginaires
c/ Le test de pouvoir
3/ La compétition : une partie d’échecs ?
Conclusion
Introduction
Le Taekwondo, art martial créé au milieu du 20ème siècle en Corée, compte déjà plus de 30 millions de pratiquants dans le monde. C'est un sport caractérisé par des techniques de pied très impressionnantes, qui ont d'ailleurs fait sa popularité, et qui le différencient du Karaté aux yeux du public. Il a récemment été officiellement déclaré sport olympique : cette année se déroulera à Sydney la première compétition olympique de Taekwondo. C'est le plus jeune des sports olympiques : il a à peine un demi siècle. Pourquoi cet engouement ? Qu'est ce que le Taekwondo a de plus que les autres sports de combat ? Nous tenterons de répondre à ces questions d'abord en remontant aux origines du Taekwondo, puis en étudiant sa philosophie, qui est la principale chose qui le différencie des sports comme la boxe : c’est plus qu'un simple sport de combat, c'est un art martial. Enfin, nous verrons comment se passe concrètement la pratique du Taekwondo.
L'homme a, depuis ses origines, toujours eu besoin de se défendre, que ce soit contre ses semblables ou contre d'autres espèces. Certains historiques du Taekwondo utilisent comme matière première des fresques peintes en Corée avant Jésus Christ. Il faut toutefois être prudent, car rien ne prouve que ces sports antiques ont un lien direct avec le Taekwondo. Effectivement, il est originaire de Corée, mais il n'est pas nécessairement l'héritier de tous les art martiaux pratiqués en Corée avant son apparition !
Nous verrons dans la deuxième partie de ce chapitre que le Taekwondo est une synthèse du Taekyon, un sport de combat traditionnel Coréen, et du Karaté, sport japonais bien connu du grand public. Remonter aux origines du Taekwondo consiste donc en fait à revenir aux origines du Taekyon d'une part, et du Karaté d'autre part. Le Taekyon étant le sport qui a le plus apporté au Taekwondo, nous dresserons seulement un historique de ce dernier.
1/ De la nuit des temps à 1933 : les premiers arts martiaux
Les éléments dont nous disposons pour remonter aux origines du Taekyon sont assez rares et parfois peu fiables. L'histoire ancienne de la Corée n'est pratiquement faite que d'invasions successives par les mandchous, les chinois, les mongols et les japonais. Des écrits datant de l'invasion chinoise, qui a duré de 109 avant Jésus Christ à 309 après Jésus Christ, rapportent l'existence de petites tribus vivant dans les montagnes, et dont les membres étaient de redoutables combattants.
Statuette antique représentant un guerrier coréen
Notons que ces combattants avaient certainement appris leur art des générations précédentes : le sport qu'ils pratiquaient était donc déjà certainement à l'époque le fruit d'une longue maturation. Mais ne pouvant remonter plus loin, nous nous contenterons d'étudier son évolution à partir de ce moment-là. On rapporte que ces tribus avaient un mode d'organisation social proche d'une organisation militaire : on retrouve là les aspects disciplinaires du Taekyon où chacun doit, par exemple, le respect à son supérieur en grade.
Par la suite, le Taekyon (qui ne portait pas encore ce nom-là à l'époque) s'est enrichi au contact d'autres arts martiaux, au rythme des différentes invasions. Il a évolué comme les langues évoluent : il a emprunté des techniques à d'autres sports mais a conservé son essence. Par exemple, de 1147 à 1170, des peintures nous indiquent qu'une forme cousine du Kwonbop, un art martial d'origine chinoise, était populaire en Corée : ceci explique pourquoi on retrouve quelques techniques du Kwonbop dans le Taekyon.
Au fil du temps, différents sports de combat firent leur apparition en Corée : le Soobak, le Kongsoo, le Hwasoo... A partir du 19ème siècle, la pratique de ces sports et du Taekyon fut interdite pendant différentes occupations de la Corée, notamment lors de l'invasion japonaise pendant seconde guerre mondiale. Ces arts martiaux coréens ont alors survécu en secret, notamment grâce à un jeune homme frêle qui a commencé, sur les conseils de son professeur de calligraphie, à apprendre le Taekyon en 1933 alors qu'il avait 15 ans : Choi Hong Hi.
2/ De 1933 à 1955 : naissance d’un nouvel art
Ce jeune homme a eu une importance capitale dans l'histoire du Taekwondo. C'est lui qui l'a crée et qui l'a amélioré à partir d'autres sports de combat déjà existants : le Taekyon et le Karaté. Voici son histoire.
Choi Hong Hi est né le 9 novembre 1918 à Hwa Dae, en Corée. Dans sa jeunesse, c'était un garçon frêle et constamment malade, une continuelle cause de souci pour ses parents. Toutefois, dès son plus jeune âge, il faisait preuve d'une indépendance et d'une force d'esprit remarquable. Par exemple, il fut renvoyé de son école à l’âge de douze ans pour avoir protesté contre les autorités japonaises, qui à l'époque contrôlaient la Corée. C'est à cette époque-là qu'il commença à faire partie du Mouvement d’Indépendance Kang Ju.
Après son expulsion, il fut envoyé par son père dans une école de calligraphie, ou enseignait M Han Il Dong, l'un des professeurs les plus réputés de Corée et aussi grand maître du Taekyon. Sur ses conseils, le frêle Choi Hong Hi commença à apprendre le Taekyon. En 1937, Choi fut envoyé a Kyoto, au Japon, pour poursuivre ses études. Là-bas, il rencontra M Kim, un coréen qui enseignait le Karaté, et suivit ses cours. Après à peine deux ans de travail intensif, Choi obtenait le grade de ceinture noire. Les méthodes du Karaté, mélangées avec les techniques de pied du Taekyon, lui serviront plus tard pour bâtir le Taekwondo.
Le drapeau Coréen
Après l'éclatement de la seconde guerre mondiale, Choi fut engagé de force dans l'armée Japonaise. Malheureusement, ses activités dans des mouvements de libération de la Corée furent découvertes peu après et il passa huit mois en prison. Au début, il y pratiquait son art seul. Puis progressivement, son compagnon de cellule et son gardien, intrigués, finirent par devenir ses étudiants.
A la fin de la guerre, Choi fut libéré, et la Corée devint un pays libre. Ce fut pour lui une occasion de s'engager dans l'armée naissante de son pays. Il commença avec le grade de lieutenant, et enseigna son art à toute sa compagnie, et aussi aux soldats américains restés en Corée.
La suite de l’histoire, c’est celle d’un jeune militaire coréen qui connut une ascension fulgurante dans la hiérarchie, et qui profita de chaque promotion pour enseigner le Taekwondo à ses subordonnés, toujours plus nombreux. En 1947, il fut promu capitaine, et en 1949 colonel. Cette année-là, pour la première fois il alla aux Etats-Unis, où il introduisit son art. En 1953, il devint formateur des instructeurs militaires, à qui il enseigna les techniques militaires, mais aussi son art martial à l'aide de Nam Tae Hi, son bras droit. Tous les deux, ils travaillèrent à l’amélioration du Taekwondo et au renouveau des anciennes techniques. Cet apport a été fondamental. A cette époque, le Taekwondo ne portait pas encore son nom définitif.
Choi Hong Hi, fondateur du Taekwondo
En 1955, après une nouvelle promotion pour Choi, le sport qui allait devenir le Taekwondo fut reconnu officiellement en Corée : ce fût une avancée cruciale, qui lui donna sa légitimité. Et ce n'était qu'un début... Cette année, un conseil spécial présidé par Choi fut formé ; il baptisa enfin cet art martial, qui jusqu'ici avait porté différents noms : Dang Soo, Gong Soo, Kwon Bop, et même Taekyon. La confusion arrivait enfin à son terme. Le Taekwondo ("l'art d'utiliser ses pieds et ses mains") était né.
" Taekwondo " en coréen
3/ De 1955 à Sydney 2000 : l’essor du Taekwondo
Maintenant que le Taekwondo avait pris sa forme définitive, rien ne pouvait plus l'arrêter. En 1959, le père du Taekwondo et une équipe choisie avec soin parmis les meilleures ceintures noires Coréennes entama la première grande tournée en occident. Parmis eux : Nam Tae Hi, président de la Fédération Asiatique du Taekwondo ; le colonel Ko Jae Chun, cinquième chef instructeur de Taekwondo au Viêt-nam ; le colonel Baek Joon Gi deuxième chef instructeur au Viêt-nam: le brigadier général Woo Jong Lim ; M Han Cha Kyo, chef instructeur à Singapour ; ainsi que M Cha Soo Young, qui dédia par la suite toute sa vie à la diffusion du Taekwondo.
Le public fut tellement impressionné par la perfection et la justesse des techniques du Taekwondo que ce fut tout de suite un succès retentissant. La même année Choi publiait son premier livre sur le Taekwondo, qui fut d'ailleurs remanié plusieurs fois par la suite, et il gravit l'ultime échelon militaire : il devint général. Notons que parallèlement aux actions de Choi pour le développement du Taekwondo s'en déroulaient une quantité d'autres : citons notamment le général Choi Duk Shin, ambassadeur de Corée au Viêt-nam, qui fit la promotion du Taekwondo dans ce pays qui menait alors une guerre sans merci contre les communistes.
En 1960, lors de la visite d'un club de Karaté à San Antonio, Choi convainquit ses membres d'apprendre le Taekwondo. Ce club est connu comme le premier ayant dispensé le Taekwondo aux Etats-Unis.
En 1961, le Taekwondo devint une matière obligatoire dans toutes les écoles de police et les écoles militaires coréennes. Un an après, Choi devint ambassadeur de Corée en Malaisie. Trois ans plus tard, le Taekwondo était officiellement déclaré art martial national de Corée du Sud. Le rêve d'un jeune et frêle étudiant en calligraphie s'était réalisé. Toute une nation allait soutenir le Taekwondo dans son expansion internationale.
Une impressionnante technique de pied sautée
Ensuite, tout s'enchaîne très vite. Le 22 mars 1922, l'ITF (International Taekwondo Federation) naît ; elle regroupe alors le Viêt-nam, la Malaisie, Singapour, l'Allemagne de l'Ouest, les Etats-Unis, la Turquie, l'Italie, l'Egypte, et la Corée du Sud. A partir de ce moment, elle ne cessera de s'agrandir. La suite de l'histoire est constituée d'un enchaînement de tournées internationales. Nous ne parlerons que des moments forts de l'expansion internationale du Taekwondo.
C'est à Montréal en 1974 que Choi pût pour la première fois savourer le fruit de ces nombreuses tournées : le premier championnat international de Taekwondo y eut enfin lieu. En 1980 eu lieu un autre événement d'une grande importance sentimentale pour Choi : lui et 15 de ses étudiants firent un voyage en Corée du Nord. C'est la première fois qu'une démonstration de Taekwondo fut faite dans ce pays, d'où Choi est originaire.
Un autre événement symbolique se passa en 1982 : la création du premier club de Taekwondo au Japon, alors que c'était en se cachant des japonais que le jeune Choi avait appris le Taekyon. Cela démontrait aussi que le Taekwondo et le Karaté étaient effectivement deux sports différents. Car il va sans dire que du fait de ses origines (Karaté et Taekyon mélangés), le Taekwondo a, au début du moins, eu certaines difficultés à démontrer qu'il était un nouveau sport à part entière et non pas une pâle copie du Karaté. L’ambassadeur Choi Hong Hi a déclaré à ce sujet : "Je souhaiterais clarifier un point : bien que le Karaté et le Taekyon aient été utilisés comme des références au cours de mes recherches, les théories et les principes fondamentaux du Taekwondo sont totalement différents de ceux de tout autre art martial au monde". Nous verrons ces théories et principes dans le deuxième chapitre.
En 1985, Choi publia le fruit de toute une vie de recherches : une encyclopédie sur le Taekwondo, qui fait toujours référence en la matière. En août 1988, en menant une équipe de démonstration de l'ITF à Moscou alors que le régime communiste était encore en place, pût enfin y introduire son art, indépendamment des différences de religion, de race, de nationalité ou d'idéologie.
Le 4 septembre 1994 marque l'accession du Taekwondo au niveau suprême: ce sport, dont la forme définitive date à peine du milieu du siècle, entre aux côtés du 100 mètres haie, du saut à la perche, du Judo : le Taekwondo est déclaré sport Olympique. Le premier combat Olympique de Taekwondo aura lieu lors des jeux de Sydney 2000.
Les premiers jeux olympiques ou le
Taekwondo sera enfin officiellement reconnu
II] Fondements philosophiques et scientifiques
L'émergence du Taekwondo comme art martial international en si peu de temps ne s'explique pas uniquement par l'originalité de ses techniques. Après la guerre, un certain vide spirituel s'etait instauré à cause de la réfutation par le nazisme des qualités anciennement attribuées à l'homme. Autrement dit, l'homme ne croyait plus en lui-même. Aussi, comment pouvait-il croire en Dieu après ce qui s'était passé ? Le Taekwondo est arrivé et, en un sens, a su combler ce vide spirituel pour certaines personnes.
Il faut toutefois être prudent, le Taekwondo n'est pas une religion, il n'y est jamais invoqué de dieu et le sacré n'y a pas sa place. Il doit être pratiqué indépendamment de la nationalité, de l'idéologie, de la race et de la religion. Cependant, le Taekwondo n'est pas qu'un ensemble de techniques pour le corps où l'esprit serait délaissé : il est fondé sur une certaine philosophie et sur certaines théories. Et en pratique, il a aussi ses rites, ses temples (Dojang) ... Tout cela ne contredisant en aucun cas les convictions religieuses quelles qu'elles soient.
En 1959 Choi Hong Hi a formulé les principes fondamentaux des pratiquants du Taekwondo :
1. En développant un esprit droit et un corps fort, nous acquerrons assez de confiance en nous pour être du côté de la justice par tous les temps.
2. Nous devons nous unir avec tous les autres hommes pour former une fratrie, sans nous occuper de la religion, de la race, de la nationalité ou des idéaux.
3. Nous devons nous dédier à la construction d'une société humaine paisible dans laquelle la justice, la morale, la confiance et l'humanisme seraient prévalants.
La philosophie du Yin et du Yang a influencé le Taekwondo
Analysons ces principes. Commençons par le premier. Il paraît certain à la vue vu de sa biographie que Choi Hong Hi a toujours su rester du côté de la justice, notamment par rapport à ses activités indépendantistes contre le Japon. Il est vrai que la pratique du Taekwondo permet de développer un corps fort, ce qui nécessite par ailleurs de la volonté, donc un esprit fort. Or cela n'est pas le cas de tout le monde : sans volonté, il est impossible d'acquérir un corps fort. Autrement dit, le Taekwondo ne serait pas accessible à tout le monde. Toutefois, celui qui parviendrait à un certain niveau pourrait certainement grâce à sa force tant physique que morale, rester du côté des justes (bien que cette notion soit somme toute relative).
Le deuxième principe a en un sens été mis en pratique : la Taekwondo est présent dans presque tous les pays du monde, indépendamment des religions, des races et des régimes politiques. Toutefois, la notion de fratrie est toute relative lorsque l'on voit que des dissidents de l'ITF (International Taekwondo Federation) sont partis d'abord en 1973 pour former la WTF (World Taekwondo Federation) puis en 1990 pour former la GTF (Global Taekwondo Federation). Maintenant, ces différentes fédérations s'affrontent plus ou moins. En effet ils n'ont pas tous la même vision du Taekwondo. On voit donc que le Taekwondo, qui était au départ ce qui unissait ces hommes, a ensuite été l’objet de différends. Nous étudierons ces différentes visions dans le troisième chapitre. Mais pour l'instant, continuons à analyser les principes originels du Taekwondo.
La relativité des notions évoquées dans le troisième principe et leur généralité lui donnent un sens très flou. Ces buts à atteindre ressemblent à ceux d'une politique sociale. Il est très discutable que le Taekwondo puisse avoir des conséquences sociales à grande échelle en dehors des temples où on le pratique.
Ces principes généraux ont un défaut : ils sont difficilement applicables à l’échelle individuelle, même s'il contiennent une essence philosophique intéressante. Plus tard, Choi Hong Hi a été amené à rédiger neuf principes que les étudiants du Taekwondo sont invités à respecter dans leur vie de tous les jours. Peut-être que ces principes individuels pourraient, s'ils étaient appliqués par tous, avoir pour conséquence globale les 3 grands principes exprimés plus haut.
1. Fais les choses qui en valent la peine, même si elles sont difficiles.
2. Sois respectueux du faible et dur avec le fort.
3. Satisfais-toi de tes possessions et de ta position, mais jamais de tes talents.
4. Finis toujours ce que tu commences.
5. Sois un enseignant exemplaire pour qui que ce soit, sans t'occuper de la religion, de la race ou des idéologies.
6. Ne cède jamais à la répression ou à la menace lorsque tu poursuis une noble cause.
7. Enseigne attitude et talent avec des actes plutôt qu'avec des mots.
8. Sois toujours toi-même indépendamment des circonstances extérieures.
9. Sois un éternel enseignant, avec ton corps quand tu es jeune, avec tes mots quand tu es vieux, avec tes préceptes moraux après ta mort.
Ceux-ci constituent les fondements éthiques du Taekwondo. Il existe des variantes, notamment "les 5 qualités du Taekwondoiste" qui sont connues de tous les pratiquants parce qu'elles sont faciles a retenir : le Respect, l'Humilité, la Persévérance, la Maîtrise de soi, et l'Honnêteté. Il est sûr que tous ces principes individuels sont appliqués dans les clubs de Taekwondo, la pratique en témoigne. Par contre, sont-ils appliqués en dehors des clubs ? On ne le sait pas, mais le Taekwondo a au moins un mérite : il essaie d'améliorer non seulement les capacités physiques du pratiquant, mais aussi ses qualités morales. Et c'est sa grande différence avec d'autres sports de combat purs comme la boxe, par exemple. Mais peut-on pour autant affirmer que le Taekwondo est supérieur aux autres sports de combat au niveau purement technique ?
2/ Plus de rigueur pour plus d’efficacité
a/ Les qualités de l’art martial
Le Taekwondo est fondé sur une philosophie, sur des théories scientifiques que nous verrons plus tard, mais aussi sur des principes sportifs. Choi Hong Hi a défini les 12 qualités que doit posséder le Taekwondo. Ce sont ces qualités fondamentales qui le différencient d'autres arts martiaux comme le Karaté :
1. Chaque mouvement doit produire le maximum de puissance, en accord avec les formules scientifiques et le principe de l'énergie cinétique.
2. Les principes derrière les techniques gestuelles doivent être tellement clairs que même ceux étrangers aux Taekwondo doivent pouvoir distinguer les bons des mauvais mouvements.
3. La distance et l'angle de chaque mouvement doivent être exactement définis, de manière à obtenir une attaque et une défense plus efficaces.
4. Le but et la méthode de chaque mouvement doit être clair et simple, dans le but de faciliter l'enseignement et l'apprentissage.
5. Les techniques d'enseignement doivent être rationnelles, de manière à ce que tous, les jeunes et les moins jeunes, les hommes et les femmes, puissent profiter du Taekwondo.
6. Des techniques de respiration adaptées doivent être utilisées, de manière à augmenter la vitesse de chaque geste et à réduire la fatigue.
7. Il doit être possible d'attaquer n'importe quel point vital tout en restant capable de se défendre contre tout type d'attaque.
8. Chaque technique d'attaque doit être clairement définie et basée sur la structure du corps humain.
9. Chaque mouvement doit être facile à exécuter, permettant à l'étudiant de profiter du Taekwondo comme d’une récréation.
10. Une attention toute particulière doit être portée à la prévention des accidents.
11. Chaque mouvement doit être harmonieux et rythmé de manière à ce que le Taekwondo soit agréable à regarder.
12. Chaque mouvement doit exprimer une idée : un mouvement s'effectue aussi avec la tête.
En pratique, le Taekwondo est en accord avec ces qualités, même si certaines comme la 9ème, restent un peu utopiques : un bon mouvement n'est pas toujours un mouvement facile. Ce sont ces 12 qualités qui ont rendu le Taekwondo esthétique et récréatif. Voyons maintenant pourquoi le Taekwondo est particulièrement efficace en ce qui concerne les combats réels.
b/ L’efficacité du sport de combat : fondements scientifiques
La théorie de la puissance, développée pour le Taekwondo, nous explique comment une personne normale peut arriver à avoir des résultats extraordinaires, parfois incroyables. Par exemple, nous avons tous déjà vu des casseurs de briques. N'importe qui ne peut pas casser des briques. Pourquoi ? Tout simplement parce que nous n'utilisons pas tout notre potentiel. Les spécialistes disent que nous n'utilisons que 10 à 20 % de notre potentiel physique. On devient maître du Taekwondo uniquement en apprenant à utiliser tout son potentiel. Et nous ne pouvons y arriver qu'en accord avec les 4 principes scientifiques suivants.
Tout d'abord, le principe fondamental de la dynamique (F=dP/dt). Le but n'est pas ici d'expliquer ici cette théorie, mais de voir comment on peut l'appliquer au Taekwondo. Pour optimiser l'impact du coup sur l'adversaire, il faut augmenter la dérivée de la quantité de mouvement dP/dt autant que l'on peut. Or, comme P=mV, il faut augmenter à la fois la masse m et la vitesse V. On peut agir sur la vitesse V en exécutant le geste plus rapidement et en effectuant une rotation du bassin en même temps que la détente du bras dans le cas d'un coup de poing. Quand à la masse m, elle correspond à celle d'un système non isolé constitué de vous et du sol. Suivant la façon dont vous adhérez au sol et votre équilibre, la masse équivalente m ne sera pas la même ... Inutile de dire que si vous sautez au moment de l'impact, vous n'avez aucune chance pour que le bilan des forces joue en votre faveur. Mais si à l'arrivée la somme des forces est du bon côté, votre adversaire sera projeté en arrière.
Maintenant que vous avez trouvé une bonne position et que vous avez bien tourné votre bassin, vous avez une grande force F. A présent, il faut optimiser la force surfacique (F/S) au niveau de votre adversaire : si vous lui mettez une claque, il n'aura pas très mal (la surface S est trop grande). Si vous concentrez votre poing (S diminue), il subira plus de dégâts corporels. Maintenant si vous concentrez votre poing et que vous frappez sur l'un des points vitaux, il aura du mal à s'en remettre... Nous verrons les différents points vitaux dans le troisième chapitre.
Nous avons précédemment vu que l'équilibre est essentiel pour optimiser m. Il est aussi important pour l'attaque que pour la défense. Pour obtenir un bon équilibre, il faut que le centre de gravité soit, dans les positions statiques, maintenu au niveau du milieu du segment formé par les deux pieds, pour permettre une répartition correcte du poids sur les deux jambes. Une bonne flexion des genoux permet de retrouver l'équilibre plus rapidement.
La respiration est essentielle. D'abord, elle conditionne la condition physique : il n'est pas rare de voir certaines personnes "oublier" de respirer. Inutile de dire que dans ces conditions on ne peut tenir très longtemps. Il faut respirer, et pas de n'importe quelle façon. Expirer rapidement au moment de l'impact permet de durcir de corps et d'améliorer les effets voulus. C'est pour cela que les combats de Taekwondo sont rythmés au son des expirations. Les combattants expérimentés peuvent même choisir d'attaquer leur adversaire au moment où il inspire, uniquement pour le prendre de court.
L'équilibre, la respiration, la concentration et le principe fondamental de la dynamique bien utilisés et bien coordonnés peuvent faire de chacun de nous un combattant redoutable. La maîtrise de ces différents principes est une condition sine qua non pour devenir un bon Taekwondoiste.
1/ Les différentes fédérations : un sport hétérogène
L'historique que nous avons dressé fait clairement apparaître que Choi Hong Hi est le créateur du Taekwondo. Tout sport international se devant d'avoir sa fédération, il créa en 1966 l'ITF (International Taekwondo Federation). Cependant, d'autres fédérations concurrentes se sont créées plus tard. Nous allons successivement nous intéresser aux deux principales fédérations internationales.
L'ITF, fondée en mars 1966 en association avec le Viêt-nam, la Malaisie, Singapour, l'Allemagne de l'ouest, les Etats-Unis, la Turquie, l'Italie, l'Egypte et la Corée par Choi Hong Hi (qui la préside depuis son origine) est la fédération la plus "traditionnelle". Le Taekwondo qui y est enseigné ne cherche pas l'efficacité à tout prix : le but n'est pas ici la compétition, c'est l'épanouissement personnel. Autrement dit, on y enseigne plus un art martial qu'un sport de combat. Les techniques de pied sont caractérisées par une grande amplitude et une focalisation assez longue sur la cible. Les mouvements et les exercices sont tous réalisés en exécutant un mouvement de haut en bas et de bas en haut (ce que l'on appelle la "vague" typique de l'ITF). Les coups sont réellement portés, mais il est interdit de frapper trop fort sous penne de sanctions.
Insigne de l’ITF
La WTF (World Taekwondo Federation) a été fondée en 1973 en association avec 19 pays. Aujourd'hui, elle compte 158 pays membres. C'est grâce à cette fédération que le Taekwondo a accédé au rang de discipline Olympique. En effet, elle est directement axée vers la compétition : les techniques sont réalisées de manière à obtenir l'efficacité maximum en empruntant le chemin le plus court. Cela permet d'augmenter la rapidité des coups et donc celle du combat tout entier ; l'effet de surprise joue un rôle capital. La vague caractéristique de l’IF a été supprimée. Les coups sont portés sans limitation du point de vue de la force, mais en contrepartie les combattants doivent porter des protections adéquates.
Insigne de la WTF
D'autres fédérations comme la GTF (Global Taekwondo Federation) se sont créées par la suite, mais leur importance est limitée et elles n'ont rien apporté de capital au Taekwondo.
2/ Les spécificités de l’art martial
Même s'il y a plusieurs fédérations, il y a des constantes dans la pratique du Taekwondo : l'uniforme, la ceinture, les combats imaginaires, les tests de pouvoir. Ces pratiques, ainsi que la philosophie, sont les deux principales choses qui différencient les arts martiaux des sports de combats occidentaux comme la boxe anglaise ou le kick boxing.
L'uniforme du Taekwondoiste, que l'on appelle Dobok et l'équivalent Coréen du Kimono japonais. Il est blanc et on y retrouve trois formes géométriques fondamentales : le carré au niveau du pantalon, le cercle grâce à la ceinture, et le triangle à cause du col en V. Le pantalon symbolise la Terre, la ceinture (qui forme un circuit infini) évoque la vie de l'homme, et la partie supérieure représente le Paradis. La couleur blanche symbolise la pureté de l'esprit et la paix.
L’uniforme du Taekwondoiste
La ceinture peut prendre différentes couleurs en fonction du rang du pratiquant. Les couleurs varient en fonction des fédérations. Pour la WTF, les couleurs sont successivement le blanc, le jaune, le bleu, le rouge, et le noir. Le blanc symbolise le commencement, et le noir l'accomplissement (nous retrouvons ici l'opposition idéale du Yin et du Yang). Le jaune représente le Soleil donc l'énergie nouvelle, le bleu évoque le ciel, et le rouge symbolise le danger mais aussi la passion. Il y a 5 ceintures mais 18 niveaux en tout : 9 niveaux (Keup) de la ceinture blanche à la ceinture noire, ce qui rend nécessaire l'utilisation de barrettes (par exemple entre la ceinture blanche et la ceinture jaune on trouve la ceinture blanche à barrette jaune), plus 9 niveaux (Dan) pour ceux qui ont la ceinture noire. On compte les Dan, mais on décompte les Keup : par exemple, le niveau débutant correspond au 9ème Keup (ceinture blanche), et le niveau le plus haut correspond au 9ème Dan. Le 9ème Dan n'est que très rarement atteint.
Les combats imaginaires, que l'on appelle Poomse sont des enchaînements bien précis de techniques de défense et d'attaque réalisées à vitesse réelle dans le vide. Les Poomse sont l'une des spécificités des arts martiaux : on ne trouve pas de telles pratiques dans les sports de combat purs comme la boxe par exemple. Il y a huit Poomse à connaître pour atteindre le grade de ceinture noire première Dan (toutefois, cela ne suffit pas, il faut aussi avoir de la culture concernant le Taekwondo et savoir utiliser ses techniques en situation de combat réel). Il y existe aussi d'autres Poomse exigés pour avoir les Dan suivants, sans compter des Poomse locaux n'existant que dans certains clubs. Chaque Poomse a son propre esprit, son symbolisme et son utilité. Il est nécessaire de les apprendre (et de les comprendre aussi) dans l'ordre, car chaque Poomse fait appel aux connaissances des précédents. Pendant très longtemps, les Poomse furent l'unique moyen que les maîtres avaient à disposition pour transmettre l'essence de leur art à leurs élèves. Ils permettent d'améliorer le contrôle de sa force, son équilibre et sa vitesse, de plus il crée des automatismes qui peuvent être utiles dans les combats réels.
Extraits d’un combat imaginaire
Nous avons vu dans le chapitre concernant la philosophie du Taekwondo qu'il permettait de renforcer son esprit. L'une des preuves en est le Kyupka, le test de pouvoir. En pratique, cela consiste à briser des planches, des briques, des pains de glace, des battes de base-ball et toutes sortes de choses grâce à des techniques empruntées aux techniques de combat. Le Kyupka n'est pratiqué que par les personnes expérimentées, car il requiert une certaine maîtrise de soi tant au niveau physique que psychologique, ainsi que des capacités à se concentrer au moment de l'impact que le débutant ne pourrait pas posséder. La pratique du Kyupka améliore toutes les qualités citées précédemment, et développe la confiance en soi. Le Kyupka est une chose qui n'existe pas dans les sports de combat comme la boxe.
3/ La compétition : une partie d’échecs ?
Après avoir vu les particularités historiques, symboliques, et pratiques de l'art martial qu'est le Taekwondo, regardons le maintenant sous l'angle du sport de combat : comment la lutte se passe-t-elle concrètement sur l'aire de combat ?
Dans le cadre d'une compétition WTF, les combattants sont à deux sur une aire de 8 mètres sur 8 dont ils n'ont pas le droit de sortir, sous peine de pénalités. Il est autorisé de frapper avec les poings au niveau de l'abdomen et avec les pieds au-dessus de la ceinture. Les combattants portent un casque, des protège-tibias, des protections pour les coudes, une coquille et une protection pour la poitrine. Il est interdit d’attraper l'adversaire ou de le frapper par derrière. Le combat est constitué de 3 rounds de 3 minutes chacun séparés par des pauses de 1 minute.
Compétition de Taekwondo. Pour pouvoir distinguer les deux combattants,
les plastrons ne sont pas de la même couleur (usuellement, bleu et rouge)
Pour être efficace dans les combats, il faut maîtriser ses techniques : cela permet de frapper plus fort et de dépenser moins d’énergie (quand on maîtrise une technique, on ne fait travailler que les muscles strictement nécessaires). Bien gérer son énergie est un point fondamental : le combat dure longtemps et celui qui se fatigue le moins vite a plus de chances de gagner. De plus, de manière à minimiser le rapport énergie dépensée / amoindrissement de l'adversaire, le combattant aura intérêt à frapper les points vitaux, qui sont les endroits du corps les plus sensibles : le nasion (point médian au sommet du nez), le plexus solaire, l'hypogastre (bas-ventre). Lorsque l'un de ces points est attaqué efficacement, il peut parfois en résulter une paralysie, voire la mort. Cependant cela n'arrive pas en compétition grâce aux protections. Toutefois, les effusions de sang ne sont pas rares...
Deux combats de Taekwondo ne se ressemblent jamais : il existe une infinité d'enchaînements possibles. Pour faire de la compétition à haut niveau, en plus des qualités physiques, morales et techniques, il est nécessaire de savoir faire de bons enchaînements. En fait, on peut très bien voir le Taekwondo comme une partie d’échecs : mon adversaire m'a donné tel coup, quelle parade vais-je faire de manière à pouvoir lui donner un autre coup sans qu'il puisse m'attaquer à nouveau ? Mes tours sont mes pieds, mes cavaliers sont mes bras, mes points vitaux sont mon roi. Mes pieds et mes bras doivent attaquer mon adversaire, mais ils doivent aussi assurer la protection de mon roi. Dans la lutte, les pièces qui ont pour rôle d'assaillir l'opposant tout en défendant le roi sont directement confrontées à leurs homologues adverses (collision jambe/jambe, bras/bras, et parfois jambe/bras), mais celà n'est pas un but en soi, comme aux échecs. Cependant, contrairement aux échecs, les coups ne sont séparés que par quelques dixièmes de seconde, et ils s'enchaînent à un rythme effréné aussi longtemps qu'on a de l'inspiration. Il va sans dire qu'il vaut mieux réfléchir vite... ou apprendre à l'avance des enchaînements optimaux qui minimisent les risques de contre-attaque. Toutefois dans ce cas il faut se renouveler, car si votre adversaire connaît votre enchaînement favori, il saura aussi, à votre détriment, lui donner une réponse appropriée...
Le Taekwondo est un sport unique, imprégné d'une symbolique omniprésente, et dont les origines remontent à la nuit des temps. Il possède une forte identité. Choi Hong Hi a su à partir du Taekyon et du Karaté, créer cette identité.
Il est différent des sports de combats purs comme la boxe grâce à certaines pratiques telles que les combats imaginaires ou les tests de pouvoir, et surtout grâce à sa généreuse philosophie ; il se différencie des autres arts martiaux comme le Karaté par son efficacité, qui est notamment visible, même pour les néophytes, dans les techniques de pied empruntées au Taekyon. Ces dernières ont d’ailleurs été améliorées par Choi Hong Hi, suivant certaines théories scientifiques newtoniennes.
Il existe cependant différentes variantes du Taekwondo en fonction des fédérations. Si l'ITF a joué un rôle capital dans le développement initial du Taekwondo, la WTF est la fédération qui a su s'imposer au niveau des compétitions internationales. La compétition requiert, en plus de conditions physiques et morales exceptionnelles, des qualités de stratège. Le nom du premier champion olympique de Taekwondo sera bientôt connu, lors des Jeux Olympiques de Sydney.